Page:Wilde - Derniers essais de littérature et d’esthétique, 1913.djvu/187

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qui ne sont pas indignes d’être mentionnés après lui, et la pièce intitulée : Plus loin que Kerguélen est d’une mélodie admirable, par le rythme merveilleux des mots et une véritable richesse d’expression.

Il y a certains vers d’une puissance étrange, et vraiment, en dépit de l’exagération dans l’allitération, peut-être par suite de cela même, toute la pièce est une remarquable œuvre d’art.

    Bien loin vers le Sud, vers l’espace où ne paraît pas une voile.
    Loin de la zone de la fleur et de l’arbre,
    s’étend, enveloppé d’hiver et de tourbillon et de plainte,
    le fantôme d’une terre, entouré du fantôme d’une mer.
    Mystérieux est le brouillard de son sommet à sa base ;
    le soleil de son ciel est ridé et gris.
    C’est le fantôme de la lumière que la lumière qui éclaire sa face.
    Jamais ce n’est la nuit, jamais ce n’est le jour.
    C’est là le nuage ou il n’y a ni une fleur ni un oiseau ;
    ou l’on n’entend jamais la douce litanie des sources,
    rien que l’orgueilleux, l’âpre tonnerre ne s’y perçoit.
    Rien que la tempête, avec un grondement dans ses ailes.

    Jadis à l’aurore de cette belle sphère,
    sur cette terre à la face douloureuse, désolée
    rayonna le jour bleu, et régna la beauté de l’année,
    qui nourrit la feuille et la grâce de la fleur.
    Grandioses étaient les lumières de son midi au cœur de l’Été.
    Des Matins de majesté brillaient sur ses mers.
    On y voyait la scintillation des étoiles et la splendeur de la lune,