Page:Wilde - Le portrait de Dorian Gray, 1895.djvu/293

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
287
DE DORIAN GRAY

sont les fleurs que vous voulez mettre sur la table, ce soir… Vous êtes vraiment nerveux, mon cher ! Il vous faudra voir le médecin, quand vous retournerez à la ville…

Dorian eut un soupir de soulagement en voyant s’approcher le jardinier. L’homme leva son chapeau, regarda hésitant du côté de lord Henry, et sortit une lettre qu’il tendit à son maître.

— Sa Grâce m’a dit d’attendre une réponse, murmura-t-il.

Dorian mit la lettre dans sa poche.

— Dites à Sa Grâce, que je rentre, répondit-il froidement.

L’homme fit demi-tour, et courut dans la direction de la maison.

— Comme les femmes aiment à faire les choses dangereuses, remarqua en riant lord Henry. C’est une des qualités que j’admire le plus en elles. Une femme flirtera avec n’importe qui au monde, aussi longtemps qu’on la regardera…

— Comme vous aimez dire de dangereuses choses, Harry… Ainsi, en ce moment, vous vous égarez. J’estime beaucoup la duchesse, mais je ne l’aime pas.

— Et la duchesse vous aime beaucoup, mais elle vous estime moins, ce qui fait que vous êtes parfaitement appariés.

— Vous parlez scandaleusement, Harry, et il n’y a dans nos relations aucune base scandaleuse.

— La base de tout scandale est une certitude immorale, dit lord Henry, allumant une cigarette.

— Vous sacrifiez n’importe qui, Harry, pour l’amour d’un épigramme.

— Les gens vont à l’autel de leur propre consentement, fut la réponse.