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Page:Wilde - Poèmes, trad. Savine, 1907.djvu/27

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pâle usurpatrice, élargissant sa tache, change son

 mince croissant en un disque d'argent, et réprimande
 son char paresseux,--que de fois, dans
 l'herbe fraîche et drue,
 bien loin du jeu de cricket et des bruyants canotiers,
 à Bagley, où les campanules devancent un
 peu l'époque de l'accouplement pour les merles et
 s'attardent à attendre l'hirondelle, où le bourdonnement
 d'innombrables abeilles vibre dans la
 feuillée, je suis resté à m'abandonner aux contes
 rêveurs que tisse sa fantaisie.
 Et à travers leurs infortunes imaginaires, et
 leurs douleurs fictives, j'ai pleuré sur moi-même,
 puis retrouvé la bonne humeur dans une simple
 gaîté, en voyageant sur cette mer aux mille teintes.
 Je sentais en moi la force et la splendeur de la
 tempête, sans avoir à en subir les désastres, car le
 chanteur est divin.
 Le petit rire que fait entendre l'eau en tombant,
 n'est point aussi musical, et l'or liquide qui s'accumule
 en piles serrées dans la mignonne cité de cire
 n'a pas tant de douceur. Les vieux roseaux à demi
 desséchés qui se balançaient en Arcadie, dès que
 ses lèvres les touchent, exhalent une harmonie toute
 nouvelle.
 Esprit de beauté, attarde-toi encore un peu, bien
 que les marchands trompeurs du commerce profanent