Page:Wilde - Poèmes, trad. Savine, 1907.djvu/38

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vent du nord, de même tu vas fuir loin de notre

 terre maudite et morne pour regagner la tour où
 jadis tu te plaisais tant, et retrouver les lèvres
 rouges du jeune Euphorion. Et pour moi, je ne
 verrai plus jamais ta face; il me faudra rester en ce
 jardin plein de poisons, poser sur mon front la couronne
 d'épines de la douleur, jusqu'à ce que ma vie
 sans amour se soit écoulée tout entière.
 O Hélène, Hélène, Hélène! Encore un peu, encore
 un peu de temps! Reste ici jusqu'à ce que le
 jour vienne, et que les ombres s'enfuient, car dans
 la lumière ensoleillée de ton rassurant sourire, je
 n'ai nulle pensée, nulle crainte au sujet du ciel ou
 de l'enfer, puisque je ne connais d'autre divinité
 que toi, que celui aux pieds duquel les planètes fatiguées
 se meuvent, entraînées dans des filets d'or,
 que l'esprit incarné de l'amour spirituel, qui a
 fixé son séjour de volupté dans ton corps.
 Ta naissance ne fut point celle des femmes ordinaires,
 mais ceinte de la splendeur argentée de
 l'écume, tu surgis des abîmes des mers azurées, et
 à ta venue, quelque étoile immortelle, à la chevelure
 de flamme, rayonna dans les cieux d'Orient,
 et réveilla les pâtres de l'île qui fut ta patrie. Tu
 ne mourras point. Pas de venimeux aspic d'Égypte
 pour ramper à tes pieds et infecter la pureté de
 l'air; ta chevelure ne sera, point salie des mornes