Page:Wilde - Poèmes, trad. Savine, 1907.djvu/69

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désespoir échappé à l'Oréade, cri dont les vibrations

 condensées semblèrent se jouer dans l'air, comme
 les sons d'une viole. En toute hâte, elle ordonna à
 ses deux pigeons de fermer leurs ailes tendues avec
 effort. Elle fondit sur la terre, atteignit le rivage et
 vit leur douloureux destin.
 Car, ainsi qu'un jardinier, détournant la tête
 pour saisir au vol les derniers chants de la linotte,
 tranche d'une faux insouciante une plate-bande
 de fleurs qui se trouvaient trop près, et coupant net
 la frêle tige de la rose, jette sur le terreau brun les
 charmes dispersés de la fleur, ainsi qu'un jeune berger
 en son inattention,
 tout en menant son petit troupeau par la prairie,
 couche sous son pas deux asphodèles qui, croissant
 côte à côte, ont séduit la coccinelle en leurs filets
 jaunes, et fait oublier au brillant papillon tout son
 orgueil, écrase contre terre leurs calices ruisselants
 d'or, sous des pieds légers qui n'étaient point faits
 pour des ravages aussi cruels,
 ou comme un écolier, quand, ennuyé de son livre,
 il se laisse aller sur le gazon semé de joncs et cueille
 dans le ruisseau deux iris, puis se lasse de leurs
 beautés, et s'en va, les laissant à l'ardeur meurtrière
 du soleil,--ainsi gisaient les deux amants.
 Et Vénus s'écria: «C'est l'impitoyable Artémis
 dont la main cruelle a commis ce méfait, ou bien