Page:Wilde - Poèmes, trad. Savine, 1907.djvu/92

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l'empire de la forêt; puis, lorsque la rose attardée

 a laissé choir,
 une à une les pièces froissées de son armure,
 lorsque les pensées ont fermé leurs yeux aux paupières
 de pourpre, les chrysanthèmes débarquent
 de leurs navires dorés leurs marchandises voyantes
 et sans parfum, et les violettes, devenues d'une hardiesse
 téméraire, quittent leurs modestes recoins;
 et des baies écarlates parsèment l'aubépine encore
 sans feuilles.
 O campagne heureuse, ô arbre trois fois heureux,
 bientôt voire reine, en robe brodée de marguerites,
 couronnée de fleurs de lys, va descendre à petits
 pas sur la prairie. Bientôt les pâtres paresseux vont
 de nouveau pousser leur troupeau le long de l'étang.
 Bientôt, sous la verte feuillée flottera en plein midi
 le bourdonnement sourd des abeilles.
 Bientôt la clairière sera toute brillante de miroirs
 de Vénus, fleur préférée des audacieux, et ces
 charmantes nonnes, les muguets, aux vêtements
 d'un blanc de neige, égrèneront leur chapelet de
 perles, et les oeillets incarnats, aux pétales foncés
 en forme de mitre, embaumeront le vent; et la
 clématite accrochera partout dans les haies ses
 étoiles jaunes.
 Cher fiancé de la Nature, si bienfaisant Printemps,
 toi qui peux multiplier la génisse à la douce