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VOYAGE AUTOUR DU MONDE

fleurs et les épis, le fils du Céleste Empire, vêtu en paysan, labourait ici, à la saison printanière, son arpent de guérets. L’impératrice — pardon, sa femme, puisque nous sommes au champ — devenait Marianne et, sur le coup de midi, lui apportait son dîner. Au temple, il offrait aux dieux les primeurs des saisons pour qu’ils fussent propices aux moissons ; et le bon peuple, taillable et corvéable à merci, pressuré, écrasé d’impôts regardait tout ce faste, ébahi, en extase. Maintenant, le charme est rompu : la république est proclamée (1911). Le petit empereur Shin-Tung n’a pas un arpent à labourer, pas même pour y jouer et égayer sa jeunesse de quinze printemps. Prisonnier dans la cité interdite, il n’a pour tout peuple à gouverner que les cinq cents eunuques, qui lui sont restés fidèles, des cinq mille qui desservaient son palais. De ma fenêtre, je puis jeter un caillou sur son toit, caché dans l’angle du mur. Il ne peut sortir que déguisé, la nuit, en contrebande, comme un malfaiteur. Il est bien jeune ; il n’a pas eu le temps de faire du mal ; mais il faut expier les péchés des ancêtres : inexorable loi de l’hérédité !

Pour ne pas l’oublier, notons tout de suite qu’en 1911, l’empire fut renversé et la république proclamée. Le premier président fut le Dr Sun-Yat-Sen, président d’un jour. Il est maintenant à Canton, tentant de fonder une république chinoise à sa façon. Nous le verrons probablement dans quelques jours.

L’empereur Koung-Shui laissa une veuve ; elle vit avec son neveu, fils adoptif, le jeune Shin-Tung qui attend le sort que Dieu et la république lui réservent.

Ce temple du Ciel a été bâti par l’empereur Yung-Lo de la dynastie des Mings, il y a exactement cinq cents ans (1420). Je ne puis me défendre d’un sentiment d’horreur en traversant le lieu des exécutions. Il est tout à côté du mur d’enceinte extérieur du temple. Les extrêmes se touchent.

Jusqu’en 1912, sous l’empire, les condamnés à mort avaient la tête tranchée d’un coup d’épée ; quelquefois,