Page:Wolf - Les Hypothèses cosmogoniques, suivies de la Théorie du ciel de Kant, 1886.djvu/100

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Il fut donc un temps où la Terre et la Lune ne faisaient qu’un corps unique, tournant sur lui-même avec une très grande rapidité. Il semble dès lors légitime et naturel de considérer l’état primitif de la Terre, avant la formation de la Lune, comme celui d’un globe en partie solide, en partie fluide et même gazeux. Ce globe tournait autour d’un axe très peu incliné sur l’écliptique, dans une période de une à quatre heures, et faisait sa révolution autour du Soleil dans une période à peine plus courte que l’année actuelle. La rapidité de la rotation devait déterminer un tel aplatissement, que la figure ellipsoïdale devait être très peu stable ; et il a suffi peut-être de la marée produite sur cette planète par le Soleil pour en déterminer la séparation en deux masses, dont la plus grande est devenue la Terre, la plus petite la Lune. La déformation provenant de cette marée a pu, en effet, à une certaine époque, devenir énorme, s’il est arrivé, en vertu de la rapidité de la rotation, que la période de la marée ait été la même que celle de l’oscillation élastique du globe fluide. La forme primitive du satellite a-t-elle été un anneau continu, ou un essaim de météorites, ou bien l’ellipsoïde primitif a-t-il donné immédiatement naissance à deux globes ? C’est une question que l’état de nos connaissances sur les conditions de stabilité et de rupture d’une masse fluide en rotation ne permet pas de résoudre.

Mais à partir du moment où la Lune a pris naissance, presque en contact avec la Terre et tournant avec elle presque comme un ensemble rigide, M. Darwin croit possible de suivre mathématiquement les phases successives par lesquelles a passé le système des deux corps pour arriver à l’état actuel.

Comme les deux masses ne sont pas rigides, l’attraction de chacune d’elles déforme l’autre ; et si elles ne tournent pas rigoureusement dans le même temps, chacune produit des marées sur l’autre. Le Soleil aussi produit des marées sur les deux. Par suite de la résistance de frottement que la viscosité des deux masses offre aux mouvements de ces marées, un tel système est dynamiquement instable. Si, aux premiers jours de sa naissance, la Lune s’était mue sur son orbite plus vite que la Terre ne tourne, elle serait retombée sur la Terre. Ainsi l’existence de la Lune nous force à croire qu’au moment de la rupture, la durée de la révolution de la Lune était un peu plus grande que celle de la