Page:Wolf - Les Hypothèses cosmogoniques, suivies de la Théorie du ciel de Kant, 1886.djvu/133

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absurdes qui ont pu s’attirer les suffrages des hommes, on peut trouver çà et là quelque vérité. Une loi fausse, un raisonnement irréfléchi conduisent l’esprit humain, par une pente insensible, du seuil de la Vérité jusque dans l’abîme. Malgré des ressemblances que je reconnais, il subsiste, entre les anciennes cosmogonies et celle que je présente, des différences assez essentielles pour que les conséquences en soient absolument opposées.

Les auteurs des théories que je viens de rappeler sur la formation mécanique de l’Univers faisaient sortir toute l’ordonnance que l’on y admire d’un hasard purement accidentel, d’où résultait un si heureux concours des atomes que ceux-ci constituaient un tout parfaitement ordonné. Épicure osa même prétendre que les atomes déviaient de la ligne droite et se rencontraient sans l’intervention d’aucune cause. Tous ces philosophes poussaient l’absurdité jusqu’à attribuer la naissance des êtres vivants à ce même concours fortuit et aveugle des atomes, faisant ainsi naître la raison de l’irraisonnable. Dans mon système, je trouve la matière soumise à des lois certaines et nécessaires. Je vois cette matière, décomposée en ses derniers éléments, se façonner successivement et sous l’empire de ces lois naturelles, en un tout admirablement ordonné. Ce n’est point là l’effet du hasard, c’est la conséquence nécessaire des propriétés naturelles de la matière. Et alors n’est-on pas forcé de se demander pourquoi la matière obéit précisément à des lois qui ont pour but une si merveilleuse ordonnance ? Serait-il possible que tant d’éléments, dont chacun a sa nature propre et indépendante, puissent d’eux-mêmes se prêter un concours tel qu’il en sortît un tout bien ordonné ; et s’ils agissent ainsi, n’y a-t-il pas là une preuve indéniable de la communauté de leur origine première, qui ne peut être qu’une Intelligence souveraine et toute-puissante, par laquelle les caractères divers des éléments ont été dessinés en vue de leurs combinaisons futures ?

La matière, élément primitif de toutes choses, est donc astreinte à des lois déterminées, et, librement abandonnée à ces lois, elle engendre nécessairement d’admirables combinaisons. Elle n’est point libre de s’écarter du plan tracé par son Créateur. Puisqu’elle est ainsi soumise à des vues souverainement sages, il faut nécessairement qu’elle ait reçu ses propriétés si bien concertées d’une cause première supérieure : il existe un Dieu, précisément parce que le