Page:Wolf - Les Hypothèses cosmogoniques, suivies de la Théorie du ciel de Kant, 1886.djvu/207

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Je présente cette conception avec un réel plaisir, parce que j’ai le ferme espoir de la voir confirmée un jour par des observations effectives. Il nous est venu de Londres, il y a quelques années, qu’en observant Saturne avec un télescope de Newton perfectionné par M. Bradley, on avait cru voir que son anneau était en réalité la réunion de plusieurs anneaux concentriques séparés par des intervalles vides. La nouvelle n’a pas été confirmée depuis[1]. Les instruments d’optique ont ouvert à l’esprit humain la connaissance des régions les plus éloignées de l’Univers. C’est de leur perfectionnement surtout que dépendent les progrès qu’on pourra faire dans cette voie ; l’attention que notre siècle apporte à tout ce qui peut accroître la portée de la vue de l’homme permet d’espérer qu’elle se tournera surtout d’un côté qui lui promet les plus importantes découvertes.

Mais si Saturne a été assez heureux pour se construire un anneau, pourquoi aucune autre planète n’a-t-elle eu le même avantage ? La raison en est claire. Comme un anneau doit résulter des matières vaporeuses qu’une planète exhale pendant sa période de formation, et comme la rotation doit leur donner l’impulsion qui continuera à les faire mouvoir lorsqu’elles auront atteint la hauteur où cette vitesse acquise contre-balancera exactement la gravitation vers la planète, il est facile de déterminer par le calcul la hauteur à laquelle les vapeurs doivent s’élever au-dessus de la sur-

  1. Après avoir écrit ces lignes, je trouve, dans les Mémoires de l’Académie Royale des Sciences de Paris pour l’année 1705, un Mémoire de M. de Cassini, Sur les satellites et l’anneau de Saturne, qui contient, a la page 571 de la 2e Partie de la traduction de Steinwehr, une confirmation tout à fait indubitable de l’exactitude de ma conception. M. de Cassini émet d’abord une idée, qui pourrait bien avoir quelque parenté avec la vérité que nous avons découverte, quoiqu’elle soit bien invraisemblable, savoir que l’anneau de Saturne pourrait être un essaim de petits satellites, qui produiraient pour Saturne l’apparence qu’a la Voie lactée pour la Terre. Ceci s’accorderait assez avec nos propres idées, si l’on assimile ces petits satellites aux particules de vapeurs qui circulent ensemble et d’un même mouvement autour de la planète. Plus loin il ajoute : « Cette supposition trouve sa confirmation dans des observations qui ont été faites aux époques où l’anneau apparaissait plus large et plus ouvert. On vit alors la largeur de l’anneau séparée en deux parties par une ligne sombre elliptique, dont la partie la plus proche du globe était plus brillante que la partie la plus éloignée. Cette ligne dénotait un petit intervalle entre les deux portions de l’anneau, de même que l’espace vide entre le globe et l’anneau se manifeste par la grande obscurité qui les sépare. »