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Et si même, laissant de côté la difficulté qui naît de cette différence de nature, nous admettons que tous les matériaux de l’Univers actuel sont le résultat de la condensation d’une matière primitive unique, un fait d’observation va nous montrer que les actions qui ont produit le monde actuel sont plus complexes que ne le supposent les auteurs des systèmes cosmogoniques.

Il existe dans le ciel deux ordres de nébuleuses irrésolubles, que la lunette ne distingue par conséquent point les unes des autres, mais entre lesquelles le spectroscope révèle une différence essentielle de constitution[1].

Les unes donnent un spectre de trois ou quatre lignes brillantes, les autres un spectre continu. Les premières sont gazeuses, les autres formées d’une matière pulvérulente. Les premières doivent constituer une véritable atmosphère : c’est parmi elles qu’il faudra ranger la nébuleuse solaire de Laplace. Les autres forment un ensemble de particules qui peuvent être considérées comme indépendantes et dont la circulation obéira aux lois de la pesanteur interne : telles sont les nébuleuses adoptées par Kant et par M. Faye. L’observation nous permet de placer l’une ou l’autre à l’origine du monde planétaire. Mais lorsque nous voulons aller plus loin et remonter jusqu’au chaos primitif qui a produit l’ensemble de tous les astres, nous avons à rendre compte de l’existence actuelle de ces deux ordres de nébuleuses. Si le chaos originel était un gaz froid, on comprendra comment la contraction résultant de l’attrac-

  1. La question de la résolubilité des nébuleuses a été souvent présentée d’une manière trop affirmative et contraire aux idées exprimées par l’illustre observateur des spectres de ces astres, M. Huggins. Toute nébuleuse dont le spectre ne contient que des lignes brillantes est gazeuse et, par suite, dit-on, irrésoluble ; toute nébuleuse dont le spectre est continu doit finir par se résoudre en étoiles avec un instrument suffisamment puissant. Cet énoncé est contraire à la fois aux résultats de l’observation et à la théorie spectroscopique. La nébuleuse de la Lyre, la Dumbbell nebula, la région centrale de la nébuleuse d’Orion, paraissent résolubles, et donnent un spectre de lignes brillantes ; la nébuleuse des Chiens de chasse n’est pas résoluble et donne un spectre continu. C’est qu’en effet le spectroscope nous renseigne sur l’état physique de la matière constitutive des astres, mais non sur son mode d’agrégation. Une nébuleuse formée de globes gazeux (ou même de noyaux peu lumineux entourés d’une puissante atmosphère) donnerait un spectre de lignes et serait cependant résoluble ; tel paraît être l’état de la région d’Huygens dans la nébuleuse d’Orion. Une nébuleuse formée de particules solides ou liquides incandescentes, un véritable nuage, donnera un spectre continu et sera irrésoluble.