Page:Wyzewa - Mallarmé, notes, 1886.djvu/18

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genre dépassé ; précieux, surtout, parce qu’ils indiquent les qualités singulières qui vont conduire le poète à un genre meilleur.

Ils montrent que M. Mallarmé n’a apporté, dans l’Art, ni la vision naturelle et précise d’images, ni une disposition naturelle à la musique des mots. Les images sont rares, étrangement vagues, plutôt des symboles ; nulle description précise : les couleurs évoquées apparaissent déteintes ; le monde extérieur, pour ce poète, n’a pas une existence pleinement objective. M. Mallarmé ne s’attarde point davantage aux menues variations musicales : il n’a pas le besoin irréfléchi des recherches formelles : il n’est point le natif guitariste que nous révèlent, par exemple, les œuvres de M. Verlaine. Mais M. Mallarmé se manifeste, ici même, un logicien et un artiste.

Ses poèmes diffèrent de tous autres en ce qu’ils sont composés. Les Parnassiens improvisaient leur musique, s’abandonnant aux trouvailles incidentes ; celui-ci a, le premier, soumis à un plan total les développements de sa mélodie. Une consciente logique a créé le thème, avec, — mais rien au delà, — son expansion nécessaire. De là cette exemplaire unité du ton musical. M. Mallarmé n’était, d’abord, un musicien ni un peintre : plus à l’aise par ce défaut naturel, il a choisi, pour chaque travail, les images, les rythmes et les sons qu’il a compris adéquats. La pièce des « Fleurs », n’est-ce point l’adagio d’une sonate merveilleuse, ou quelqu’un de ces préludes religieux de Bach, produisant toute l’émotion par un agencement voulu des mélodies ?

Logicien, M. Mallarmé était encore un Artiste. Nullement un ouvrier du vers, épris des fins artifices,