Page:Wyzewa - Mallarmé, notes, 1886.djvu/28

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais le caractère excellent, en ces poèmes, est l’intime nécessité logique des motifs et de leurs développements. Les vers apparaissent, relus, dans l’absolue nécessité d’être ce qu’ils sont : chacune des mélodies appelle la suivante, comme son unique conséquence possible. Un lien miraculeux tient ensemble toutes les parties : évidemment le poète a pris une entière science des signes et de leur valeur. Comme Beethoven — et nul autre dans l’Art — il donne cette impression parfaite de la nécessité. Il n’est point l’ouvrier un peu fat, indulgent aux belles fioritures ; mais, comme il l’a dit, « un humble qu’une logique éternelle asservit ».

Veut-on quelques exemples de cette manière poétique ? Voici (pourquoi n’amuserais-je point les badauds ?) le sonnet que M. Mallarmé a, récemment, dédié à Richard Wagner[1]. Dans une extraordinaire étude critique, antérieure, M. Mallarmé avait dit son jugement sur Wagner ; il l’avait montré, conduit par son génie, lui musicien, à édifier le drame, qu’aurait dû faire la littérature : le drame étant le but dernier des travaux littéraires. Ici M. Mallarmé dressait un poème : il n’avait plus à expliquer un jugement : mais il a voulu exprimer, la justifiant, l’émotion que portait au Poète ce Musicien, envahissant la scène que les Poètes avaient préparée :

Le silence déjà funèbre d’une moire
Dispose plus qu’un pli seul sur le mobilier
Que doit un tassement du principal pilier
Précipiter avec le manque de mémoire
.

  1. Revue wagnérienne, 8 janvier 1886.