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Il avait aperçu que la source suprême des émotions est la recherche des vérités ; et que le monde est une réalité de fiction, vivant dans l’âme du Poète, contemplée par ses yeux tranquilles. Il voulut alors analyser cette vision ; et, pour le considérer plus joyeusement, il a créé un monde plus subtil. Alors il a découvert que les parties de son Rêve étaient liées, impérieusement ; chacune étant l’image profonde du reste. L’idée de la Monadologie s’est offerte à lui, dans l’apparat de son ornementation esthétique. Tout est symbole ; toute molécule est grosse des Univers ; toute image est le microcosme de la Nature entière. Le jeu des nuages dit au poète les révolutions des atomes, les conflits des sociétés, et les chocs des passions. Ne sont-ils point, tous les êtres, des créations pareilles de nos âmes, issues des mêmes lois, créées par les mêmes motifs[1] ?

Les jeux des nuages, les mouvements des eaux, les agitations humaines, c’est maintes scènes variées du seul Drame éternel. Et l’Art, expression de tous les symboles, doit être un Drame idéal, résumant et annulant ces représentations naturelles qui ont trouvé leur pleine connaissance dans l’âme du Poète. Un Drame. A qui offert ? A tous, répond M. Mallarmé. La meilleure joie étant la compréhension du monde, cette joie doit être donnée à tous. Le Poète doit rendre aux hommes ce bonheur, qu’il leur a demandé. L’œuvre d’Art sera donc un Drame, et tel que tous le puissent recréer,

  1. Ce symbolisme universel a toujours occupé M. Mallarmé. Il notait des concordances imprévues entre les formes des costumes, des meubles, et leur vraie destination. Dans une intéressante Philologie anglaise, publiée par M. Truchy, il cherchait les affinités de signification justifiant les parités des mots.