Page:Wyzewa - Un miracle, paru dans Le Figaro, 07, 08 et 09 mai 1890.djvu/25

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craintive. Mais il suffisait que le jeune homme repartît deux jours après, pour que ses imaginations ambitieuses en même temps s’évanouissent, la laissant plus abattue et plus découragée.

Ce matin-là, pourtant, elle avait senti renaître, plus fortes que jamais, ses espérances d’être aimée. Il lui avait bien semblé que c’était l’amour qui donnait aux petits yeux du jeune homme cet éclat voilé ; et lorsqu’il s’était assis auprès d’elle pour tourner les pages de sa ballade écossaise, elle avait vu sa main trembler. Ah ! folle, folle et misérable qu’elle était !

Dieu sait cependant que ce n’était pas de l’amour qu’elle demandait, mais que seulement il la prît pour femme avec la petite dot que ses parents lui donneraient, qu’il consentît à comprendre sa nature passionnée, la reconnaissance immortelle qu’elle trouverait dans son cœur. Il lui parut que John Morris ne pourrait jamais se marier, s’il la dédaignait. Elle eut un remords affreux à n’avoir répondu à ses avances que par de froides paroles : si par hasard il avait été sur le point de l’aimer, et