Page:Young - Les Nuits, trad. Le Tourneur, t. 1-2, 1827.djvu/42

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Épouvanté de moi, je me confonds et me perds dans mon être. Ma pensée étrangère dans sa propre demeure me parcourt tout entier avec un étonnement mêlé d'effroi. Mon âme se cherche et se replie sur elle-même pour se voir. Interdite et flottante, elle se regarde avidement et frémit en ne pouvant se reconnaître. Quel étrange mystère l'homme est pour lui-même! Que de majesté il conserve dans cet état de misère où il est abaissé! Quel air triomphant règne encore dans les traits de cet être souffrant! Ma raison indécise et muette reste suspendue entre la terreur et la joie, et ne sait que prononcer sur mon être. Tantôt l'admiration me ravit et me fait éprouver ses transports; tantôt la frayeur m'abat, et je suis tremblant devant moi. Hélas! qui peut conserver ma vie ? mais aussi qui peut détruire mon être ? Le bras d'un ange ne saurait me préserver du tombeau : mais des légions d'anges ne peuvent m'y tenir relégué.

Non, l'immortalité de mon âme n'est point une simple conjecture; tous les objets de la nature m'en répètent la preuve. Le ciel attentif au bonheur de l'homme a disposé partout des lumières qui l'éclairent sur son être.