Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/105

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’y a rien de plus gênant que l’heure du dîner ; c’est une conséquence de ce qu’on ne déjeune pas, car la toilette étant de rigueur, il faut être de retour de toute excursion matinale à midi. Cette seule chose, lorsqu’on s’y tient, suffit à exclure toutes recherches, sauf les plus frivoles. En coupant la journée exactement en deux, on rend impossible toute affaire demandant sept ou huit heures d’attention non interrompue par les soins de la toilette ou des repas, soins que l’on accepte volontiers après de la fatigue ou un travail quelconque. En Angleterre nous nous habillons pour le dîner, et avec raison, le reste du jour étant consacré au loisir, à la conversation, au repos ; mais le faire à midi, c’est trop de temps perdu. À quoi est bon un homme en culottes et en bas de soie, le chapeau sous le bras et la tête bien poudrée ? — À faire de la botanique dans une prairie arrosée ? — À gravir les rochers pour recueillir des échantillons minéralogiques ? — À parler fermage avec le paysan et le valet de charrue ? — Non, il n’est propre qu’à s’entretenir avec les dames, ce qui certainement en tout pays, mais surtout en France où leur esprit est très éclairé, forme un excellent emploi du temps ; seulement on n’en jouit jamais aussi bien qu’après une journée passée à un exercice actif ou à une recherche animée ; à quelque chose qui ait élargi la sphère de nos conceptions, ou ajouté au trésor de nos connaissances. Je suis conduit à faire cette remarque, parce que l’habitude de dîner à midi est générale en France, excepté chez les personnes de haut rang à Paris. On ne saurait l’attaquer avec trop de sévérité ni trop de ridicule, parce qu’elle est contraire à toute vue de la science, à tout effort vigoureux, à toute occupation utile.

Vivre, comme je le fais, avec des personnes considérables