Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/143

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elle est plus grande que jamais. Quelle satire du gouvernement des deux royaumes, de permettre que dans l’un les préjugés des manufacturiers et des marchands, dans l’autre la politique double d’une cour ambitieuse, précipitent les deux nations dans des guerres éternelles qui arrêtent tous les travaux utiles et répandent la désolation là où les efforts privés tendaient à appeler le bonheur. Les loyers qui s’élèvent tous les jours, comme ils l’ont fait beaucoup depuis la paix, malgré les constructions en train de se faire ou achevées, se joignent à la hausse des denrées ; on se plaint qu’en dix ans la vie a augmenté de 30 %. Il n’y a pas de preuve plus frappante de progrès en prospérité.

Le traité de commerce avec l’Angleterre était un sujet trop intéressant pour ne pas attirer notre attention ; nous posâmes les questions nécessaires. On le regarde ici d’une bien autre façon qu’à Abbeville et à Rouen : pour les Bordelais, c’est une sage mesure également profitable aux deux pays. Nous n’insisterons pas ici sur le commerce de cette ville.

On alla deux fois voir Larrive remplir ses deux rôles principaux du prince Noir, dans Pierre le Cruel, de M. du Belloy, et de Philoctète ; il me donna une très haute idée du Théâtre-Français. Excellents hôtels, entre autres l’hôtel d’Angleterre et celui du Prince des Asturies ; nous trouvâmes à ce dernier tout ce que l’on peut souhaiter, mais avec des contrastes que l’on ne saurait trop condamner : ainsi nous avions un appartement très élégant, on nous servait en vaisselle plate ; mais les lieux d’aisance étaient le même temple d’abomination que l’on eut trouvé dans les boues d’un village.

Le 28. — Quitté Bordeaux ; traversé la rivière sur un bac qui emploie vingt-neuf hommes et quinze bateaux ;