Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/176

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leur réunion : aucun ministre soit au pouvoir, soit au dehors, ayant assez de talents pour promettre d’autres remèdes que des palliatifs ; sur le trône, un prince dont les dispositions sont excellentes, mais à qui font défaut les ressources d’esprit qui lui permettraient de gouverner par lui-même dans un tel moment ; une cour enfoncée dans le plaisir et la dissipation, ajoutant à la détresse générale au lieu de chercher une position plus indépendante ; une grande fermentation parmi les hommes de tous les rangs qui aspirent à du nouveau sans savoir quoi désirer, ni quoi espérer ; en outre, un levain actif de liberté qui s’accroît chaque jour depuis la révolution d’Amérique : voilà une réunion de circonstances qui ne manquera pas de provoquer avant peu un mouvement, si quelque main ferme, de grands talents et un courage inflexible ne prennent le gouvernail pour guider les événements et non pas se laisser emporter par eux. Il est remarquable que jamais pareille conversation ne s’engage sans que la banqueroute n’en soit le sujet ; on se pose à son propos cette question curieuse : Occasionnerait-elle une guerre civile et la chute complète du gouvernement ? Les réponses que j’ai reçues me paraissent justes ; une telle mesure, conduite par un homme capable, vigoureux et ferme, ne causerait certainement ni l’une ni l’autre. Mais, essayée par un autre, elle les amènerait très probablement toutes les deux. On tombe d’accord que les états ne peuvent s’assembler sans qu’il en résulte une liberté plus grande ; mais je rencontre si peu d’hommes qui aient des idées justes à cet égard, que je me demande l’espèce de liberté qui en naîtrait. On ne sait quelle valeur donner aux privilèges du peuple ; quant à la noblesse et au clergé, si la révolution ajoutait quelque chose en leur faveur, je suis