Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/205

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sans rien ajouter de plus, c’est déjà un refuge pour une petite flotte. Si l’on continue, on devra construire des cônes plus fort, peut-être plus grands, et donner bien plus d’attention à leur solidité, on devra voir aussi s’il ne faut pas les rapprocher davantage : en tous cas la dépense sera presque double, mais toute dépense disparaît devant l’importance d’avoir un port de refuge si bien situé en cas de guerre avec l’Angleterre ; cette importance est immense, au moins aux yeux des habitants de Cherbourg.

Je remarquai, en traversant le port, que, tandis qu’en dehors de la digue la mer eût été bien rude pour un canot, elle était tout à fait paisible en deçà. Je montai sur deux de ces cônes, dont l’un portait cette inscription : « Louis XVI, sur ce premier cône échoué le 6 juin 1784, a vu l’immersion de celui de l’est, le 23 juin 1786. »

En somme, le projet est grandiose et ne fait pas peu d’honneur à l’esprit d’entreprise de la génération actuelle en France. Une grande marine y est une idée favorite (que ce soit à tort ou à raison, c’est une autre question). Maintenant ce port fait voir que, quand ce grand peuple entreprend des travaux semblables, il sait trouver des génies audacieux pour en dresser le plan, et d’habiles ingénieurs pour le mettre à exécution d’une manière digne de ce royaume. Le duc de Beuvron m’avait invité à dîner mais je réfléchis que, si j’acceptais, il me faudrait la journée du lendemain pour voir les verreries ; je mis en conséquence les affaires avant les plaisirs et, demandant à ce gentilhomme une lettre qui m’en ouvrît l’entrée, j’y allai à cheval dans l’après-midi. Elles sont à environ trois milles de Cherbourg. M. de Faye, le directeur, m’expliqua le tout de la façon la plus obligeante.