Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/233

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est longue à venir et ne permet pas les mêmes entreprises. À table, tout le monde s’accorda sur ce point que les pays de vignobles sont les plus pauvres de France. J’objectai le produit par arpent, qui est de beaucoup supérieur à celui d’autres terres ; on maintint le fait comme généralement admis et reconnu. Passé la soirée au théâtre. Madame Dufresne me fit grand plaisir ; c’est une excellente actrice, qui ne charge jamais ses rôles et vous fait ressentir ce qu’elle ressent elle-même. Plus je vois le théâtre français, plus je suis forcé de reconnaître qu’il l’emporte sur le nôtre par le grand nombre de bons acteurs, la rareté des mauvais, et la très grande quantité de danseurs, chanteurs et gens dont dépend le théâtre. Dans les passages que l’on applaudit, je remarque, chez les spectateurs français, cette générosité qui bien des fois en Angleterre m’a fait aimer mes compatriotes. Nous nous laissons trop entraîner à notre penchant haineux contre les Français. Pour moi, je vois bien des raisons pour les estimer : en attribuant beaucoup de fautes à leur gouvernement, peut-être trouverons-nous dans le nôtre la cause de notre grossièreté et de notre mauvais caractère.

Le 8. — Mon projet, pendant quelque temps, avait été de retourner tout droit de Rouen en Angleterre, car la poste m’avait causé de cruelles inquiétudes. Je n’avais reçu aucune lettre de ma famille depuis un certain temps, quoique j’eusse souvent écrit de manière pressante. Ces lettres étaient envoyées à une personne à Paris, qui devait me les faire tenir ; mais, soit négligence, soit toute autre raison, elles ne venaient pas, tandis que celles adressées dans les villes où je passais m’arrivaient régulièrement ; je craignais que quelqu’un ne