Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/235

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de Belle-Isle à Bissy près Vernon ; les nombreux essais de la Société des Arts de Londres, pour introduire la soie en Angleterre, donnaient un grand intérêt aux entreprises semblables tentées dans le nord de la France. Je fis en conséquence toutes les recherches nécessaires pour m’éclairer sur les résultats d’essais aussi méritoires. Bissy est un beau domaine acheté à la mort du duc de Belle-Isle par le duc de Penthièvre, qui ne connaît qu’un seul plaisir, celui d’habiter successivement les nombreuses terres qu’il possède dans toutes les parties de la France. Il y a de la raison dans ce goût : moi-même j’aimerais à avoir une vingtaine de fermes, depuis la Huerta de Valence jusqu’aux Highlands d’Ecosse, à les visiter et à les faire valoir tour à tour. Passé la Seine à Vernon, franchi de nouveau les collines de craie, puis fait une nouvelle ascension pour gagner la Roche-Guyon, l’endroit le plus singulier que j’aie vu. Madame d’Anville et le duc de Larochefoucauld m’accueillirent d’une façon qui m’aurait fait trouver de l’agrément au milieu d’un marais. Ce fut aussi pour moi un très grand plaisir d’y retrouver la duchesse de Larochefoucauld, avec laquelle j’avais passé des heures si agréables à Luchon ; excellente femme, douée de cette simplicité de caractère que font disparaître ordinairement l’orgueil de famille et la morgue du rang. L’abbé Rochon,[1], célèbre astronome de l’Académie des sciences, et quelques autres personnes, donnaient à la Roche-Guyon, avec l’entourage domestique et le luxe d’un grand seigneur, l’aspect exact de la résidence d’un de nos pairs d’Angleterre. L’Europe se ressemble tellement, qu’en visitant des maisons d’un revenu de 15

  1. Connu par son voyage à Madagascar, que G. Forster a traduit en allemand. — Zimmermann.