Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/246

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toutes les presses de France sont également occupées. Les 19/20es de ces productions sont en faveur de la liberté ; elles sont ordinairement très violentes contre les ordres privilégiés ; j’en ai retenu aujourd’hui beaucoup de cette espèce qui ont de la réputation ; mais lorsque je me suis enquis d’autres d’opinion contraire, j’ai trouvé, à mon grand étonnement, qu’il n’y en avait que deux ou trois d’assez de mérite pour être connues. N’est-il pas étonnant que, tandis que la presse répand à foison des principes excessivement niveleurs et même séditieux qui renverseraient la monarchie si on les appliquait, rien ne paraisse en réponse, et que la cour ne prenne aucune mesure contre la licence extrême de ces publications. Il est aisé de concevoir l’esprit que l’on éveille de la sorte chez le peuple. Mais les cafés du Palais-Royal présentent des scènes encore plus singulières et plus étonnantes : non seulement l’intérieur est comble, mais une foule patiente se presse aux portes et aux fenêtres, écoutant à gorge déployée certains orateurs qui, montés sur une table ou sur une chaise, haranguent chacun son petit auditoire. On ne se figure pas aisément l’avidité avec laquelle ils sont écoutés et le tonnerre d’applaudissements qu’ils reçoivent pour toute expression plus hardie ou plus violente que d’ordinaire contre le gouvernement. Je n’en reviens pas que les ministres souffrent de tels nids, de telles pépinières de sédition et de révolte, répandant à toute heure chez le peuple des principes qu’il leur faudra bientôt combattre avec vigueur, et dont il semble que ce soit une sorte de folie de permettre actuellement la propagation

Le 10. — Tout conspire à rendre l’époque présente critique pour ce pays : la disette est terrible ; à chaque