Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/266

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par la foule ; l’inquiétude se voyait dans tous les yeux ; les bruits que l’on faisait courir prêtant à la cour des intentions de la dernière violence, comme si elle avait résolu d’anéantir tout ce qui, en France n’appartenait pas au parti de la reine, étaient d’une absurdité incroyable ; mais rien n’était trop ridicule pour la foi aveugle de la populace. Il était cependant curieux de voir, parmi les personnes de classe plus élevée (car je fis plusieurs visites après l’arrivée de ces nouvelles), l’opinion reprocher à l’Assemblée nationale (comme elle s’appelait) d’avoir été trop loin, d’avoir avec trop de précipitation, de violence, adopté des mesures que la masse du peuple ne soutiendrait pas. Nous pouvons conclure de là que si la cour, instruite de ces dernières démarches, poursuit un plan ferme et habile, la cause populaire aura peu de raisons de s’en louer.

Le 21. — II est impossible, dans un moment si critique, de s’occuper a autre chose que de courir de maison en maison demander des nouvelles et de noter les idées et les opinions qui ont le plus de cours. Le moment actuel est, entre tous, celui qui contient en germe les futures destinées de la France. La résolution par laquelle les communes se sont déclarées Assemblée nationale, indépendamment des deux autres ordres et du roi lui-même, en rejetant toute possibilité de dissolution, est la prise de possession de tous les pouvoirs du royaume. Elles se sont tout d’un coup transformées dans le Long-Parlement de Charles 1er. Il n’est pas besoin de perspicacité pour s’assurer que, si une telle prétention n’est pas mise à néant, le roi, les grands seigneurs et le clergé sont a jamais dépouillés de leur part de pouvoir. On ne doit pas souffrir de l’armée ou d’un parlement une démarche aussi audacieuse et destructive