Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/273

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que chaque heure a vues naître, depuis l’assemblée des états, ont tellement enflammé les désirs du peuple, et lui ont donné l’idée de changements si radicaux, que rien ne le satisferait maintenant de ce que pourraient faire ou le roi ou la cour. En conséquence, il serait de la dernière inutilité de faire des concessions, si on n’est pas fermement résolu non-seulement à les faire observer par le roi, mais aussi à maintenir le peuple, en s’occupant en même temps de rétablir l’ordre. Mais la pierre d’achoppement de ce projet, comme de tous ceux que l’on peut imaginer, comme chacun le sait et le crie dans les carrefours, c’est la situation des finances qu’il n’est guère possible de restaurer que par un secours libéral, accordé par les états, ou par une banqueroute. Il est de notoriété publique que ce point a été chaudement débattu en conseil. M. Necker a prouvé que la banqueroute était inévitable, si l’on rompait avec les états avant que les finances ne fussent en ordre, et la terreur d’une telle mesure, que pas un ministre n’oserait prendre sur soi, a été la grande difficulté qui s’est opposée aux projets de la reine et du comte d’Artois. On a eu recours à un moyen terme, par lequel on espère se gagner un parti dans la nation et dépopulariser assez les députés pour s’en débarrasser ensuite ; cette attente sera infailliblement trompée. Si du côté du peuple on avance que les vices d’un gouvernement suranné rendent nécessaire l’adoption d’un système nouveau, et qu’il n’y a que les mesures les plus vigoureuses qui soient susceptibles de mettre la nation en possession des bienfaits d’un gouvernement libre, on réplique, de l’autre côté, que le caractère personnel du roi doit éloigner toute crainte de voir employer la violence ; que, sous quelque régime que ce soit, l’état des finances doit être réglé ou par le crédit ou par la banqueroute,