Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/324

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le notaire de Besançon ; il n’a pas voulu me délivrer de passeport ; mais comme son refus n’était pas accompagné des airs importants de l’autre, je le laisse passer. Pour éviter les sentinelles, je fis le tour de la ville.

Auxonne. — Traversé la Saône, belle rivière bordée de prairies d’une admirable verdure ; il y a des pâturages communaux pour un nombre immense de bétail ; les meules de foin sont sous l’eau. Beau pays jusqu’à Dijon, quoique le bois y fasse défaut. On m’a demandé mon passeport à la porte ; sur ma réponse, deux mousquetaires bourgeois m’ont conduit à l’Hôtel de ville, où j’ai été interrogé : comme on a vu que j’avais des connaissances à Dijon, il me fut permis d’aller chercher un hôtel. Je joue de malheur : M. de Virly, sur qui je comptais le plus en cette ville, est à Bourbonne-les-Bains, et M. de Morveau, le célèbre chimiste, que je croyais avoir des lettres pour moi, n’en a aucune, et quoiqu’il m’ait reçu fort convenablement quand je me donnai comme son collègue à la Société royale de Londres, je me sentis très mal à mon aise : il m’a cependant prié de revenir demain matin. On me dit que l’intendant d’ici s’est sauvé, et que le prince de Condé, gouverneur de Bourgogne, est passé en Allemagne ; on assure positivement, et sans façon, que tous deux seraient pendus s’ils revenaient ; de telles idées n’indiquent pas une grande autorité de la garde bourgeoise, instituée pour arrêter les excès. Elle est trop faible pour maintenir l’ordre. La licence et l’esprit de déprédation, dont on parlait tant en Franche-Comté, se sont montrés ici, mais non pas de la même façon. Il y a à présent, dans cet hôtel (la Ville de Lyon), un monsieur, noble pour son malheur, sa femme, ses parents, trois domestiques et un enfant de quelques mois à peine, qui se sont échappés la nuit presque nus de leur château