Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/326

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

intéressant pour tous les physiciens, le phlogistique. M. de Morveau combat vivement son existence ; il regarde la dernière publication du docteur Priestley comme fort en dehors de la question, et me déclare qu’il tient cette controverse pour aussi décidée que celle de la liberté en France. Il me montra une partie de son article : Air pour la Nouvelle Encyclopédie, qui va se publier bientôt ; il pense y avoir établi au delà de toute discussion la doctrine des chimistes français sur sa non-existence. Il me pria de revenir le soir pour me présenter à une dame aussi instruite qu’aimable, et m’invita à dîner pour le lendemain. Après l’avoir quitté, je me mis à courir les cafés ; mais croirait-on que dans cette capitale de la Bourgogne, je n’en trouvai qu’un où je puisse lire le journal ! C’était sur la place, dans une maison de chétive apparence, où je dus l’attendre pendant une heure. Partout on est désireux de savoir les nouvelles, sans qu’il y ait moyen de satisfaire sa curiosité ; on se fera une idée de l’ignorance où l’on vit de ce qui se passe par le fait suivant. Personne, à Dijon, n’avait entendu parler du sac de l’Hôtel de ville de Strasbourg ; quand je me mis à en parler, on fit cercle autour de moi ; on n’en savait pas un mot ; cependant voilà neuf jours que c’est arrivé ; y en eût-il eu dix-neuf, je doute qu’on eût été mieux renseigné. Si les nouvelles véritables sont longues à se répandre, en revanche on est prompt à savoir ce qui n’est pas arrivé. Le bruit en vogue à présent, et qui obtient crédit est que la reine a été convaincue d’un complot pour empoisonner le roi et Monsieur, donner la régence au comte d’Artois, mettre le feu à Paris et faire sauter le Palais-Royal par une mine ! Pourquoi les différents partis des états n’ont-ils pas des journaux, expression de leurs sentiments et de leurs opinions, afin que