Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/336

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de faim, au lieu de prospérer sous des fermiers riches, je ne sais plus plaindre les seigneurs, quelque grandes que soient leurs souffrances d’aujourd’hui. J’en rencontrai un à qui j’expliquai ma manière de voir : il prétendait parler agriculture ; voyant que je m’en occupais aussi, il me dit qu’il avait le Cours complet de l’abbé Rozier, et que, suivant ses calculs, ce pays n’était bon qu’à faire du seigle. Je lui demandai si lui et l’abbé Rozier savaient distinguer les mancherons de la charrue de l’âge ? À quoi il me répondit que l’abbé était un homme de grand mérite, beaucoup d’agriculteur. — Traversé la Loire sur un bac ; elle présente le même triste lit de galets qu’en Touraine. Entré dans le Bourbonnais ; même pays coupé d’enclos ; le chemin, formé de sable, est très beau. À Chavannes-le-Roi, l’aubergiste, M. Joly, m’informa qu’il y avait trois fermes à vendre près de sa maison, qui est neuve et bien construite. Mon imagination travaillait à transformer cette auberge en bâtiment d’exploitation et j’en étais déjà aux semailles de navets et de trèfle, quand M. Joly ajouta que si je voulais aller seulement derrière l’écurie, je verrais à peu de distance les deux maisons dépendantes de ces domaines ; le prix était, pour le tout ensemble, de 50 à 60,000 livres (1,625 l. st.). On aurait ainsi une superbe ferme. Si j’avais vingt ans de moins, j’y penserais sérieusement ; mais telle est la vanité de notre vie : il y a vingt ans, par mon manque d’expérience, une telle spéculation eût causé ma ruine ; maintenant l’expérience est venue, mais l’âge avec elle, et je suis trop vieux. — 27 milles.

Le 7. — Moulins paraît être une pauvre ville, mal bâtie. Je descendis à la Belle-Image, mais je m’y trouvai si mal que je changeai pour le Lion-d’Or qui est