Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/351

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pays tel que nous le voyons, a procédé par des moyens difficiles à retrouver autre part. L’aspect général rappelle l’Océan furieux. Les montagnes s’entassent dans une variété infinie, non pas sombres et désolées comme dans d’autres pays, mais couvertes jusqu’au sommet d’une culture faible à la vérité. De beaux vallons réjouissent l’œil de leur verdure ; vers le Puy, le tableau devient plus pittoresque par l’apparition de rochers les plus extraordinaires que l’on puisse voir nulle part.

Le château de Polignac, d’où le duc de ce nom prend son titre, s’élève sur l’un d’eux, masse énorme et hardie, de forme presque cubique, qui se dresse perpendiculairement au-dessus de la petite ville rassemblée à ses pieds. La famille de Polignac prétend à une origine très antique ; ses prétentions remontent à Hector ou Achille, je ne sais plus lequel ; mais je n’ai trouvé personne en France qui consentît à lui donner au delà du premier rang de la noblesse, auquel elle a assurément des droits. Il n’est peut-être pas de château ni mieux fait que celui-ci pour donner à une famille un orgueil local ; il n’est personne qui ne sentît une certaine vanité de voir son nom attaché depuis les temps les plus anciens à un rocher si extraordinaire ; mais si je joignais sa possession au nom, je ne le vendrais pas pour une province. L’édifice est si vieux, sa situation si romantique, que les âges féodaux vous reviennent à l’imagination par une sorte d’enchantement ; vous y reconnaissez la résidence d’un baron souverain, qui à une époque plus éloignée et plus respectable, quoique également barbare, fut le généreux défenseur de sa patrie contre l’invasion et la tyrannie de Rome. Toujours, depuis les révolutions de la nature qui l’ont vu surgir, cette masse a été choisie comme une forteresse.

Nos sentiments ne sont pas aussi flattés de donner notre