Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/400

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donnent tant d’intérêt auprès des personnes qui aiment un entretien libre sur des sujets instructifs. Le point de jonction des deux fleuves, la Saône et le Rhône, est à Lyon un des objets les plus dignes de la curiosité des voyageurs. La ville serait sans doute mieux placée sur ce terrain égal à la moitié de l’espace qu’elle couvre actuellement ; les travaux au moyen desquels il a été conquis sur les fleuves ont ruiné leurs entrepreneurs. Je préfère Nantes à Lyon. Lorsqu’une ville s’élève au confluent de deux rivières, on doit supposer que celles-ci ajoutent à la magnificence du tableau qu’elle présente. Sans quais larges, propres et bien bâtis, que sont les fleuves pour les cités, sinon des canaux qui leur apportent la houille et le goudron ? Mettons à l’écart la terrasse d’Adelphi et les nouveaux bâtiments de Somerset-place, la Tamise contribue-t-elle plus à la beauté de Londres que Fleetditch tout enterré qu’il est ? Je ne connais rien qui trompe autant notre attente que les villes, il y en a si peu dont le tracé satisfasse aux exigences du goût !

Le 29. — Parti de bon matin avec M. Frossard pour visiter une ferme des environs. Mon compagnon est un champion dévoué de la nouvelle constitution qui s’établit en France. Justement, tous ceux de la ville avec qui j’ai parlé représentent l’état des fabriques comme atteignant la plus extrême misère. Vingt mille personnes ne vivent que de charités, et la détresse des basses classes est la plus grande que l’on ait vue, plus grande que l’on ne pourrait se l’imaginer. La cause principale du mal que l’on ressent ici est la stagnation du commerce, causée par l’émigration des riches et le manque absolu de confiance chez les marchands et les manufacturiers, d’où de fréquentes banqueroutes.