Page:Young - Voyages en France en 1787, 1788 et 1789.djvu/410

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Jacobins, que l’on nomme le Club de la Révolution ; elle se tient chaque soir dans la même salle où fut formée la fameuse ligue sous le règne de Henri III, et ils sont si nombreux que toutes les propositions sont discutées ici avant d’être portées à l’Assemblée nationale. J’ai rendu visite ce matin à plusieurs personnes, toutes très dévouées à ce parti et je leur ai dit que ceci ressemblait trop à une junte parisienne gouvernant toute la France, pour ne pas devenir à la longue impopulaire et dangereux. Il m’a été répondu que l’ascendant que Paris s’était arrogé était absolument nécessaire pour la sûreté de la nation entière ; que si rien ne se faisait que par le consentement préalable de tous, on perdrait les plus précieuses occasions, et l’Assemblée serait constamment exposée à une contre-révolution. On avouait cependant que cela faisait naître de grandes jalousies, surtout à Versailles, où (ajoutait-on) se trouvent sans doute les complots qui ont la personne du roi pour objet.

Il y a là des émeutes fréquentes, sous prétexte de la cherté du pain, et de tels mouvements sont certainement très dangereux, car ils ne peuvent éclater si près de Paris sans que le parti aristocratique de l’ancien gouvernement ne s’efforce d’en prendre avantage pour les tourner vers un but bien différent de celui qu’elles s’étaient d’abord proposé. Je remarquai dans toutes les conversations combien est générale la croyance des menées du vieux parti pour mettre le roi en liberté. On semble presque persuadé que la révolution ne sera entièrement consommée que par l’une de ces tentatives. Il est curieux de voir l’opinion déclarer que, si l’une d’elles offrait la moindre apparence de succès, le roi la payerait immanquablement de sa vie ; le caractère national est si changé, non seulement sous le rapport