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Page:Yver - Cher coeur humain.djvu/189

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son apparence change sur le coup ? Sache bien qu’au contraire ni sa prunelle ni son humeur ne bougent. Elle est dans vos bras, front contre front, on croit dévorer ses pensées jeunes, ses pensées gracieuses, ses pensées gonflées d’une sincère et loyale ivresse. Et derrière le masque de son corps, protection suprême des femmes, elle accumule secrètement contre vous toutes les pièces d’un noir dossier. Mais le procès, elle ne vous l’intentera que plus tard, à son jour.

Comment cette idée est née chez Alice ? Mais je n’en sais rien. Cela date peut-être de très longtemps. Ce que je puis te dire c’est que gratuitement un soir, elle m’a fait l’aveu de son grief à mon retour d’une soirée passée avec Laffrey. Tu te rappelles, Laffrey, ce grand qui faisait sa philo avec nous ?

Alice avait seize ans quand je l’ai épousée. Je ne sais pas si ces mots « seize ans » rendent pour toi un son extraordinaire. Pour moi, ils sont aussi enivrants qu’aubépine, azur, seigle, abeille, zéphyr. Alice peut m’exaspérer, me diminuer, me piétiner. Elle peut vieillir, je puis avoir soixante ans, je n’en aurai pas moins tenu dans mes bras une femme de seize ans qui, à tous les âges, me sera sacrée. Je suis fou encore quand