Page:Yver - Cher coeur humain.djvu/197

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tout — je dois avouer que deux ou trois jours sans revoir la surprenante jeune fille me dégrisèrent. L’image d’elle que je portais en moi au point de croire parfois que je lui ressemblais, s’atténua. Elle ne m’avait pris encore que spirituellement. Laffrey prétend que les premiers instants de l’amour sont toujours dégagés de la chair. Enfin ma pensée revit Alice raisonnablement, une enfant de dix-sept ans peut-être et encore toutes ses formes de petite fille.

C’est ici que se place dans les soubassements obscurs de moi-même l’incubation de mon désir et la genèse de mon projet. Je me trouvais à ce point, à cette place aiguisée et subtile entre deux décisions, où il m’eût été aussi facile de rejeter à l’abîme mon émotion que de chercher à la faire renaître. Je regrettais certainement l’ivresse disparue et j’avais envie de revoir Alice pour en sentir à nouveau le rayon. Mais ce rayon se reproduirait-il ?

Je suis obligé de reconnaître ceci, qu’en l’absence de tout renseignement je déterminais chez Alice le je ne sais quoi de certain, d’assuré, de décidé qui marque les filles riches autant que leur robe de sport ou la forme de leurs souliers de tennis. Pas un instant le problème ne se posa de savoir si elle n’appartenait pas à un milieu modeste, et si