Page:Yver - Cher coeur humain.djvu/21

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Bien qu’il soit triste de ne pouvoir plus compter que sur ses contemporains, H… conservait son spirituel sourire et ne refusait pas les dons de ceux qui repoussaient les siens, se nourrissant, au contraire, de cette génération rapide et printanière qu’il appelait le « Train Bleu », l’adorant sans rancune, allant jusqu’à lui consacrer ce roman, fruit encore acide et frais de sa verte soixantaine, et que Ginette lui rapportait aujourd’hui sous les traits nouveaux de sa dactylographie soignée.

Le vieil auteur feuilleta son œuvre ; quelques passages crépitants de vivacité allumèrent sur son visage des reflets cinématographiques ; puis il dit à la dactylo :

— Maintenant, mademoiselle Ginette, je vais vous demander encore un léger service.

La jeune bouche carminée s’ouvrit en point d’interrogation.

— Ce serait de me signer ce manuscrit.

— C’est fait, monsieur.

— De mon nom, oui ; mais pas du vôtre.

Sa bouche carminée, ses yeux bleus, ses narines fragiles, toute son anémique figure de dactylo parisienne s’arrondit de surprise, pendant qu’elle se récriait. Un secrétaire aurait cru que le maître devenait fou. Ginette, instantanément, pensa qu’il était amoureux d’elle, que sa vertu