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ÉRIC LE MENDIANT.

— C’est ma seule consolation, répondit-il gravement, Dieu m’avait repris la mère, c’était bien le moins, n’est-ce pas, qu’il m’envoyât un de ses anges pour la remplacer !…

— Elle se fait grande déjà…

— Seize ans à peine !…

— Et vous ne songez point à la marier ?…

Tanneguy sourit encore, et montrant du geste Marguerite qui courait en ce moment sous les fenêtres de la salle à manger :

— La marier !… répondit-il, voyez-la… elle n’aime que les fleurs et les papillons ; elle naît à peine, la pauvre enfant ; je veux qu’elle ignore longtemps encore les soucis et les préoccupations de la vie ; tant qu’elle le voudra, je serai là pour lui épargner les douleurs qui sont le partage de la femme, et si Dieu me la conserve, comme il me l’a donnée, je ferai en sorte qu’elle ne connaisse de ce monde que les pures joies et les bonheurs réels…

Puis le vieux Tanneguy ajouta, mais cette fois avec une sorte de complaisance paternelle :

— D’ailleurs, dit-il, Marguerite sera un jour, s’il plaît à Dieu, le plus riche parti de Lanmeur. Voilà bientôt seize ans que je travaille pour elle… J’ai au pays une ferme qui m’appartient en propre, et qui est d’un assez bon rapport… j’ai acheté dernièrement quelques bons arpents de terre ; avec une belle paire de bœufs, et quelques chevaux de labour, cela lui fera une dot présentable. Marguerite peut donc attendre et choisir. Je la laisse libre. Elle a été élevée pieusement, je suis sûr d’elle comme de moi, et quand viendra le moment où il me faudra la remettre aux mains de celui qu’elle aura choisi, je m’y résignerai sans crainte, bien certain d’avance que Dieu l’aura guidée dans son choix, et que son choix sera bon !…