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PRÉLIMINAIRE.


relle l’empêchoit de me dire ſur-le-champ ce qu’il vouloit faire. Je le preſſai si vivement, qu’il témoigna au P. Lavaur que mes inſtances lui deplaiſoient. Il s’adreſſoit ſans le ſçavoir à mon Avocat. Ce Pere qui m’a toujours aimé comme ſon fils, lui repréſenta que ma demande étoit juſte, qu’elle ne me regardoit pas perſonnellement, mais le bien des Lettres, & qu’elle exigeoit une réponſe prompte & déciſive. Mon frere fut nommé en conſéquence ſecond du Comptoir de Surate, avec l’eſpérance de relever M. le Verrier, quand celui-ci voudroit quitter cette Ville. Je rembourſai à M. de Leyrit les cent Pagodes qu’il m’avoit prêtées ſi obligeamment ; & après avoir pris congé de lui, de M. le Chevalier de Soupire, Commandant Général des Etabliſſemens François dans l’Inde, & de nos amis, nous partîmes mon frere & moi pour Mahé, le 27 Octobre 1757, ſur le Briſtol, Vaiſſeau de vingt-cinq piéces de canon, commandé par M. Duhoux, & armé en guerre[1].

  1. Tandis que le Briſtol voguant à pleines voiles m’éloigne pour toujours de la Côte de Coromandel, je jette les yeux ſur la conduite des Européens dans cette partie de l’Inde, & ſur les conceſſions que le Souba du Dekan avoit faites aux François à la côte d’Orixa. La plûpart des objections que l’on peut faire contre l’utilité des conquêtes des Européens dans l’Inde ſe réduiſent à ces quatre chefs.

    1°. Il n’en eſt pas des Indes Orientales comme de l’Amérique. Les Européens dépériſſent dans l’Inde, parce qu’il n’y a pas la moitié de ce qu’on appelle l’État-major de marié, parce que la plûpart de ceux qui ſe marient ne prennent ce parti qu’à un âge avancé, ne portent au mariage qu’un corps uſé ; & que d’ailleurs très-peu épouſent de femmes Européennes, ou du moins de ſang blanc. Parmi les Soldats quelques-uns ſe marient à des femmes noires, dont les enfans forment les Mulâtres, eſpece abâtardie, que la Nation ne peut avouer, & qui en effet ne lui eſt d’aucune utilité. Il ſuit de ce calcul 1°. Que deux cens hommes envoyés dans l’Inde, ſont à-peu près cent-quatre-vingt familles perdues pour la Nation, le retour ne devant preſque être compté pour rien. 2°. Qu’on doit faire paſſer dans ces Contrées le moins d’Européens qu’il eſt poſſible ; & cependant de grandes conceſſions, & les guerres qu’elles occaſionnent exigent de grands envois.

    2°. Les frais des expéditions militaires, & les pertes qui réſultent du malheur des armes, ſont pour le compte des Compagnies, tandis que leurs Officiers partagent au moins avec elles le fruit des ſuccès.

    3°. Le Commerce, pendant cette fermentation, languit ou même ceſſe abſolument ; ceux qui ſont au ſervice des Compagnies portent dans la geſtion des affaires cet eſprit de rapine & de violence, que le trouble des armes a fait naître & qu’il ſemble exécuter.

    4°. Enfin il eſt à craindre que les Puiſſances du Pays aguerries par les échecs qu’elles reçoivent, renforcées par une multitude de déſerteurs Européens & par