Page:Zend-Avesta, trad. Anquetil-Duperron, volume 1.djvu/162

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DISCOURS


    que leur Compagnie faſſe ſeule ce Commerce, elle feroit aftuellement hors d’état de réſiſter aux François ou aux Anglois, ſi l’envie leur prenoit d’attaquer ſes Comptoirs. On ſçait la peine qu’ils ont à faire face aux Rois de Ceylan & de Bantam, qui n’ont d’autre relation avec les Européens, que quelques armes que les Anglois leur fourniſſent.

    Mais ni les Anglois ni les François ne peuvent faire un Commerce excluſif, ou jouir long-tems de poſſeſſions capables de les enrichir, ſans être expoſés à de fâcheux revers de fortune. Leur etat dans l’Inde n’eſt donc que precaire ; e’efta-dire, que la Compagnie Francoife ne doit pas attendre de cc Pays de profits reels, parce qu’elle n’y aura jamais de fucces durables, & que les Anglois n’ont d’autres avantages a en retirer que ceux qui font propres à leur qualité d’Inſulaires.

    Si à la longue les Compagnies ſe ruinent dans l’Inde, les États auxquels elles appartiennent en fouftrent-t’ils ? Je reponds que d’un cotd e’eft toujours un avantage pour ces États que d’a voir afroibli leurs voifins, en part ageant leur Commerce ; que de plus ils paroilfent en quelque forte dedommages par les droits confiderables qui entrent dans leurs trefors pendant le brillant du Commerce & des conquetes, fie par les fortunes des Employés, des Officiers &c. fortunes, qui mettent l’emulation dans les Arts, & en general repandent I’aiftivite dans la Nation. D’un autre cote les frais de defenfe, l’etat qu’il faut tenit dans ce periode de fortune & de grandeur, les pertes que les guerres nées de cette grandeur, occafionnent, balancent an nioins les profits, & peuvent meme les abforber : de manière qu’abftraction faite de toute autre confederation, en cinquante ans l’Angleterre, par exemple, ne pourra montrer que le Commerce de l’Inde 1’ait enrichie y je ne crains pas meme d’avancer que fi elle eft de bonne foi, elle avouera des pertes.

    Ces raifonnemens ont auſſi lieu à l’égard de la France, quoiqu’elle n’ait pas retiré de fes Colonics les memes avantages que l’Angleterre. Ses malheurs ne viennent felon moi, que de certains arrangemens mal pris. Si Madras eut etd rafc comme le vouloit M. Dupleyc, la Fiance auroit joui pendaijAplulieurs anndes des richelTes qui aveuglent aftuellement l’Angleterre : & (I nos concelfions, au lieu d’etre fituees a deux cens colfes de Pondichery, s’etoient trouvees a portee des fecours, comme celles des Anglois dans le Bengale, que de faux frais d’epargnes i Les revenus immenfes de ces Provinces auroient ete pcrcus exa&ement ; cette armce toujours fubfiftante d’Europeens & de Cipayes, qui en abforboit la plus grande partie,’n’auroit pas ete necelTaire ; enfin je vois dans cette pcrfpeclive la Compagnie riche & mille Particulicts revenir avec des fortunes.

    Mais ce qui a porté un coup mortel a nos fucces dans l’Inde, c’eſt le nouveau plan de conduite fuivi pat les fuccelfeurs de M. Dupleix. Voici comment je m’exprimois a ce fujet dans un petit Memoire que je prefentai en 1761, a rami retour de l’Inde, aux CommHfaires de la Compagnie. Les reflexions que j’ai faites depuis ne m’ont pas fait changer de facon de penfer. » II paroit, difois-je a Meffieurs de la Compagnie, que les malheurs des Francois dans l’Inde doivent etre enpartie attribues a la maniere dont ceux que Ton met a la tete des Comptoirs envifagent le genie des Peuples qui I’liabitcnt, la nature de leur Politique 8c la forme de leur Gouvernement.

    L’un s’imaginera avoir affaire à des Sauvages, que la crainte ſeule, fondée ſur une domination inflexible & arbitraire, pourra tenir en refpect. L’aucre anirne’ par des vcrtus qu’il croit tiacurelles a tous les homines, & comptant peut etre un peu trop fur l’cfprit d’ordre qui regnc parmi plufieurs Peuples de l’Europe, fera pour les procedes doux & purement jufles. L’idee qu’il s’eft formé de la probité du Genre-humain, l’empêchera de prendre des meſures, qui ailleurs paſſeroient pour offenſives, mais qui dans l’Inde ne feront peut-être que de prudence. Tenir le milieu entre ces diſpoſitions, ſeroit le vrai moyen de ſe concilier l’amour & le reſpect des Indiens.

    Cette Nation peut etre conſidérée ſous deux faces différences, comme ſeule