Page:Zend-Avesta, trad. Anquetil-Duperron, volume 1.djvu/167

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PRÉLIMINAIRE.


    perdu ? La ſeule choſe qu’il y ait à faire, c’eſt de les veiller autant que cela eſt poſſible de ſix mille lieues, de les mettre dans le cas de ſe fatisfaire, en faiſant le bien des Comptoirs, & de n’en venir aux réformes & aux punitions, que lorſque les fautes ne ſont excuſées, ni par le climat, ni par les uſages du Pays, ou qu’elles ne ſont pas couvertes par des talens capables de les effacer. Il ne faut pas croire, au reſte, que les exemples, à moins qu’ils ne ſoient d’une certaine force (& dès-là ils ſont très-rares ), faficnt grande impreflion dans un parcil eloignement. Celui qui eft oblige d’agir fouvent de lui-meme, & qui a le courage d’entreprendre des chofes extraordinaires, fe flatte toujouts ou d’avoir raifon, ou que le fucces le juftifiera aux ycux de fes Superieurs & a ceuxdu Public.

    La premiere partie de la quatrieme objection m’avoit d’abord frappe : mais faifant reflexion fur ce que j’ai vu moi-meme dans le pays, j’ai changed a ce fujet de facon de penfer. En cflet, les Europeens s’abatardiflent dans l’ln3e ; a la feconde ou a la troifieme generation, on auroit de la peine a les affiijeLtir a la Difcipline des troupes d’Europe : les Naturels du Pays en font done encore moins fufceptibles ; &fi on les voit obferver quelqu’ordre, relifter quelque tems, lorfqu’ils font foutenus par des Europeens, pour peu qu’ils foient abandonnes a eux-rnemes, ils retombent bien-t6t dans leur premiere mollefie, plient ou fe debandent ; ce qui eft une fuite de la chaleur du climat & de la nature de leur Gouvernement. II peut etre dangereux d’apprendre le metier des armes a des Peuples nombreux, accoutumes a un froid rigoureux. Des corps endurcis par les glaces, fe ferontun jeu de ces exercices penibles qui peuvent les rendre redoutables a leurs maitres. Chez les Nations qui habitent un fol brulant, le courage aura, fi Ton veut, de la vivacite ; mais la premiere pointc emouflee, les reiforts du corps fe relachent, S : une expedition militaire d<fgenere en courfes particulieres, en pillages, & finit par une retraite honteule ; fur-tout fi l’honneur n’eft : point 1’ame des combats : & ce mobile agit rarement fur les troupes Afiatiques, & en general fur celles des Etats defpotiques. Le Soldat, qui n’eft expofe qu’a changer de maitre, y eft infolent & indifciplinc ; la auerre lui montre le befoin que le Defporc a de lui pour fe foutenir, & il s’en pievaut fans qu’on ofe quelquefois 1’en punir. Au contraire, fous un Gouvernement libre, chaque foldat fe croit charge de la defenfe de l’Etat, s’obeit pour ainfi dire a lui-meme, en obeilfant a fon Capitainc, 3c celui-ci n’etant que le depofitaire de l’autorite que les Citoyens, & le foldat, par confequent, lui ont confiee, commande avec fermete, parce qu’il ne craint pas de revolter des efprits que la vfie de leur ptopre bien lui foumet, 8c qu’il n’a lui-meme d’autre interet que le leur.

    La feconde partie de l’obje&ion eft fondee fur l’ignorance des paflions & de la marche du cceur humain. Tout homme qui fait un Commerce confiderable cherche a le garentir de l’infulte de fes voifins. De-la les Forterefles & les Troupes dans un Pays dont le maitre n’eft pas en etat de donner la furete que tout poffeffeur defue. Ces fortifications augmenteront en proportion du Commerce, 8c par confequent de la jaloufie des voifins, parce que plus on eft riche 8c plus on craint de perdre ce que Ton a : jufqu’ici c’eft la defenfe naturelle.

    Le Prince qui vous a reçu fur fes terres prend ombrage de ces precautions, pretend qu’il peut vous defendre, exige que vous demolifliez vos forts. Mais eftil naturel d’expofer ainfi fon Commerce ? Peut-on honorablement fe reduire a l’etat ou Ton etoit en arrivant 1 Et qui fcait fi des ennemis jaloux ne le portent pas a faire cette. proposition, pour tomber enfuite fur celui qui aura en 1’impiudence de fe mettre ainfi a decouvert ; On refufe ; 8c voila la guerre, touiours comme defenfe naturelle.

    Le Prince eft lui-meme attaque par fes ennemis. Il fuppofe que les forces qu’il vous voit font a fon fervice, puifqu’il s’eft engage a vous proteger, puifqu’il vous a donne azyle fur fes terres j il vous demande du fecouis : voila la