Page:Zend-Avesta, trad. Anquetil-Duperron, volume 1.djvu/58

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DISCOURS.


Je n’y connoiſſois que le Capitaine, M. de Boiſqueſnay ; encore ne l’avois-je vu qu’une fois. Un mal de mer opiniâtre me mit pendant quinze jours dans l’état le plus triſte. Lorſque mon tempéremment eut pris le deſſus, je choiſis ma ſociété, & m’appliquai à connoître le nouveau Peuple, au milieu duquel j’avois à vivre pendant ſix mois.

C’eſt quelque choſe d’intereffant qu’un Vaiſſeau vu philoſophiqucment. On croiroit d’abord que la timidite naturelle a la plus grande partie du Genre humain, devroit tenir les eſprits dans des craintes continuelles. Cependant au bout de quelques jours, on ne penfe pas plus aux perils de la mer, que celui qui voyage par terre, aux accidents qui peuvent entre ouvrir la terre fous fes pas, & l’cngloutir. Le danger n’effraie que lorfqu’il eft prefent, &. feulement pour le moment ; une fois paffé, à peine s’en reſſouvient-on. De même cette delicateſſe dans le manger, cette propreté dans les habits, cette moleſſe dans le coucher, ces appartemens vaſtes, cette multitude de domeſtiques, tous ces beſoins s’oublient en un mois ou deux. Enfin, pour le riche comme pour le pauvre & même pour les femmes, un Vaiſſeau eſt la meilleure école de fermeté, parce que l’impoſſibilité réelle & viſible de changer ſa ſituation, fait que l’on prend promptemenr ſon parti. Auſſi dans un voyage de long cours, verra-t-on arriver en deux ou trois mois, ce que ſur terre des malheurs, toujours ſupportés avec eſpérance de changement, n’auroient pas produit en pluſieurs années.

Un Vaiſſeau marchand, qui fait voile pour les grandes Indes, renferme bien des fortes de gens, ſur-tout en terns de guerre. Marins, Militaires, Employes de la Compagnie, Paſſagers Marchands, Moines, Femmes & Meſtices qui vont rejoindre, ccux ci, leurs parens, celles-la, leurs maris ; Ouvriers de toutes les eſpeces ; tous les états s’y trouvent raſſemblés, & forment un petit Monde, qui, ſous un Gouvernement general a la tere duquel eſt le Capitaine, eſt fouvent diviſe en autant d’interets perſonnels, qu’il y a de particuliers dans le Bâtiment.

Lorſqu’un Vaiſſeau ainfi chargé n’éprouve aucun acci-