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DISCOURS


Lorſque mon revenu eut été fixé, contre l’eſperance de mes propres amis, je commençai le Malabar avec un Chrétien Noir que me donna le Pere Lavaur. Dans mes momens de loiſir, je parcourois les rues Malabarcs, j’allois voir les Pagodes, j’aſſiſtois aux Fetes du Pays. Je voulus même connoitre la nature du chant Malabar. Pour cela, je fis venir chez moi trois des plus habiles Chanteurs dc Pondichery. L’un chanta haut, l’autre bas, fans harmonic, 8c toujours fur quatre a cinq notes, repetant pendant des heures entieres le meme air,a peu-pres cornme un refrein fort court. Ces Pcuples n’ont aucune idee des accords. Leur chant commence par un bourdonnement fourd &c fore bas, apres lequel ils éclatent.

Mais toutes ces excursions, femblables a celles d’un hornme qui fe jette dans vingt routes, parcequ’il ignore la voic qui doit leconduire aubut,me prenoientdu terns, & m’inftruifoient peu. Voyant que lePerfanmoderneetoit la Langue la plus etendue del’Afie, qu’on le parloit dans tous les endroits oil la difference des idiomes ou plutot des dialectes, rendoit la connoiflance du Malabar de cette cote infuffifante, j’en fis l’objet de mes etudes, fans negliger cette derniere Langue. Le Maitre que jepris pour le Perfan nc f^avoit, ni Francois., ni Portugais. Les premieres lemons fe pafTerent en fignes ; je lui montrois les objets ; j’ecrivois enfuite les noms qu’il leur donnoit ; je repetois ces noms. De cette maniere je me fis un jargon qui, en trois mois, me mit en etat de me faire entendre, quoiqu’aflez mal : pour lui, il n’apprit pas avec moi vingt mots de François.

Mon defſſein, apres m’etre rendu le Perfan familier, etoit d’aller dans les terres me former au Malabar, vifiter les Brahmes, & apprendre le Samskrtan, pres de quelque Pagode celebre. Un retour fur moi-meme me fit hater l’execution de ce plan.

Je commençois déja à regretter le tems que les plaifirs de Pondichery deroboient aux etudes ferieufes qui pouvoient feules faire reuflir mes projets ; ma premiere arUeur s’affoibliſſoit : & en effet, comment auroit-elle tenu