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Page:Zola - Contes à Ninon, 1864.djvu/163

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SŒUR-DES-PAUVRES

nids de fauvette. Pour que tu ne m’accuses pas de mensonge, il me faut te dire comment en sortaient les grands vêtements, tels que les jupes, les manteaux, amples de quatre ou cinq mètres. La vérité est qu’ils s’y trouvaient pliés sur eux-mêmes, comme les feuilles du coquelicot quand il ne s’est pas échappé du calice ; pliés avec tant d’art, qu’ils n’étaient guère plus gros que le bouton de cette fleur. Alors Sœur-des-Pauvres prenait le paquet entre deux doigts, le secouant à petits coups ; l’étoffe se dépliait, s’allongeait et devenait vêtement, non plus bon pour des anges, mais propre à couvrir de larges épaules. Quant aux souliers, je n’ai pu savoir jusqu’à ce jour sous quelle forme ils sortaient du sac ; j’ai ouï dire cependant, mais je n’affirme rien, que chaque paire était contenue dans une fève qui éclatait en touchant la terre. Tout cela, bien entendu, sans préjudice des poignées de gros sous qui tombaient dru comme grêle de mars.

Sœur-des-Pauvres marchait toujours. Elle ne sentait point la fatigue, bien qu’elle eût fait près de vingt lieues depuis le matin, cela sans boire ni manger. À la voir passer sur le bord des routes, laissant à peine trace, on eût dit qu’elle était emportée par des ailes invisibles. On l’avait aperçue, dans ce jour, aux quatre points du pays. Tu n’aurais pas trouvé dans la contrée un coin de terre, plaine ou montagne, dont la neige ne portât la légère empreinte de ses petits pieds. Vraiment, Guillaume et Guillaumette, s’ils la pour-