Page:Zola - Fécondité.djvu/137

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II


Le jeudi où les Froment devaient déjeuner chez les Séguin du Hordel, dans le luxueux hôtel de l’avenue d’Antin, Valentine sonna Céleste, sa femme de chambre, dès dix heures, pour se faire habiller et allonger coquettement sur la chaise longue de son petit salon du premier étage. C’était elle qui avait supplié Marianne de venir de bonne heure, voulant causer, cédant à l’irrésistible besoin de s’entretenir, avec une femme enceinte comme elle, des terreurs maladives qui la hantaient.

Elle demanda un miroir, se regarda, hocha désespérément la tête, tant elle se trouvait enlaidie, son joli visage de blonde taché de rousseur, son corps svelte déformé, mal dissimulé sous une blouse de soie bleu paon.

— Est-ce que Monsieur est là  ? demanda-t-elle.

Depuis l’avant-veille, elle ne l’avait pas vu. Il alléguait des affaires, déjeunait et dînait souvent dehors, puis évitait, le matin d’entrer dans sa chambre, sous le prétexte de ne pas vouloir la déranger.

— Non, Madame, Monsieur est sorti, vers neuf heures, et je suis certaine qu’il n’est pas rentré.

— C’est bien… Dès que monsieur et madame Froment arriveront, qu’on me les amène ici.

Languissamment, elle prit un livre, elle attendit.

Comme le docteur Boutan l’avait laissé entrevoir à Mathieu et à Marianne, cette grossesse inattendue de