Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/120

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Je n’avance qu’en chancelant ; je n’ai pas pour me protéger cette belle tranquillité, ce silence du cœur & de l’âme. Je suis tout chair, tout amour, je me sens vibrer profondément à la moindre sensation. Les événements me mènent, je ne puis les conduire ni les surmonter. Demain, dans ma vie libre, s’il m’arrive de blesser le monde, le monde se détournera de moi, parce que j’aurai obéi à ma fierté & à mes tendresses. Jacques sera salué, ayant suivi la route commune. Je n’ose dire tout haut que la vertu est une question de tempérament ; mais, frères, je pense tout bas que les Jacques sur cette terre sont lâchement vertueux, tandis que les Claudes ont cet effroyable malheur d’avoir en eux une éternelle tempête, un désir immense du bien qui les agite & les conduit hors des jugements de la foule.

La jeune fille avait penché la tête & me regardait, la bouche entrouverte, les yeux agrandis. Son visage a la blancheur transparente