Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/137

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

laisse se pourrir & tomber en loques, sans la nettoyer ni la raccommoder. Elle la met dès le matin, n’ayant qu’elle, & elle se promène ainsi le jour entier dans cette chambre misérable, les cheveux dénoués, portant une robe de bal largement décolletée, qui montre son dos & sa gorge. Et cette robe, cette soie douce d’un bleu pâle, qui brille encore par endroits, est un haillon infâme, tordu, fané, lamentable. Il y a je ne sais quelle angoisse poignante à voir ces lambeaux d’un riche tissu, ce luxe traîné dans la misère, ces épaules nues rougies par le froid. Toujours je me rappellerai Laurence marchant ainsi vêtue dans le bouge de mes vingt ans.

Le soir, la question du pain revient terrible & pressante. Nous mangeons ou nous ne mangeons pas. Puis, nous nous couchons, las & endormis. Le lendemain, la vie recommence, pareille, plus cuisante & plus âpre chaque jour.

Je ne sors plus depuis une semaine. Un