Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/151

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Je la possède, ma vierge enfant. Elle est là, & je l’aime. Oh ! si vous pouviez la voir ! Elle a un visage sombre & fermé, comme un ciel couvert ; les eaux étaient basses, & elle s’est baignée dans la fange. Ma vierge enfant est souillée à ce point que jadis je n’aurais osé la toucher du doigt, crainte d’en mourir. Je l’aime.

Tenez, je ris, je goûte un charme étrange à me railler. Je rêvais le luxe, & je n’ai plus même un morceau de toile pour me couvrir ; je rêvais la virginité, & j’aime une femme impure.

Dans ma misère, lorsque mon cœur a saigné & que j’ai compris qui il aimait, ma gorge s’est serrée, l’épouvante m’a pris. C’est alors que les souvenirs se sont dressés. Je n’ai pu les chasser ; ils sont restés là, implacables, en foule, tumultueux, entrant tous à la fois dans ma poitrine qu’ils brûlaient. Je ne les ai pas appelés, ils sont venus, & je les ai subis. Toutes les fois que je pleure, ma jeunesse