Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/158

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couée, mon cœur s’est ouvert, un grand tremblement m’a pris, je suis allé en frissonnant serrer Laurence dans mes bras. Je l’aimais.

J’aimais Laurence de toute la force de mon abandon & de ma misère. Souffrir la faim & le froid, être vêtu d’un lambeau de laine, se sentir délaissé de tous, & avoir là une femme à presser contre sa poitrine, à aimer d’un amour désespéré ! Tout au fond de l’infamie j’avais trouvé une amante qui m’attendait. Maintenant, dans le gouffre, loin de la lumière, nous étions seuls à nous embrasser, à nous serrer l’un contre l’autre, ainsi que des enfants qui ont peur & qui se rassurent en se cachant mutuellement la tête dans le sein. Quel silence autour de nous, & quelle nuit ! Comme il fait bon aimer dans la solitude, dans ces déserts du désespoir où ne pénètre plus aucun bruit de la vie ! Je me suis abîmé au fond de cette félicité suprême, j’ai aimé Laurence avec la