Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/35

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La vieille s’est retirée, je suis demeuré seul. J’ai fermé la porte, &, prenant la chandelle, je me suis approché du lit. La femme qui s’y trouvait étendue pouvait avoir environ vingt-quatre ans. Elle était plongée dans cet accablement profond qui succède aux convulsions des attaques de nerfs. Ses pieds se trouvaient repliés sous elle, ses bras, raides encore & grands ouverts, étaient rejetés aux bords de la couche. Je n’ai pu d’abord juger de sa beauté : sa tête, penchée en arrière, se perdait dans le flot de ses cheveux.

Je l’ai prise dans mes bras, j’ai détendu ses membres, je l’ai couchée sur le dos. Puis j’ai écarté les boucles de son front. Elle était laide : ses yeux fermés manquaient de cils, ses tempes étaient basses & fuyantes, sa bouche grande & affaissée. Je ne sais quelle vieillesse précoce avait effacé les contours de ses traits & mis sur sa face entière une empreinte de lassitude & d’avidité.