Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/43

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fâme, d’une couche chaude encore des baisers de chacun. Lorsque, dans les nuits de mai, j’évoquerai la fiancée, je verrai se lever une fille nue & cynique, s’éveillant & me tendant les bras. Ce spectre pâle & flétri sera de tous mes amours. Il se dressera entre ma bouche & celle de la vierge, réclamant pour ses lèvres mes lèvres souillées. Il se glissera dans mon lit, profitant de mon sommeil pour m’étreindre en un songe horrible. Quand l’amante balbutiera à mon oreille une parole frissonnante de volupté, il sera là pour me dire que le premier il m’a parlé ce langage. Quand j’appuierai ma tête à l’épaule de l’épouse, il me présentera la sienne où j’ai dormi ma nuit de noces. Ainsi, jamais mon cœur ne pourra battre sans qu’il ne vienne le glacer par le souvenir maudit de nos fiançailles.

Oui, cette nuit a suffi pour me priver de la paix suprême. Mon premier baiser n’a pas éveillé une âme. Je n’ai point senti