Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/83

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suis allé louer un costume pour Laurence, je lui ai annoncé que nous irions au bal le soir même. Elle m’a sauté au cou, puis elle s’est emparée du costume & m’a oublié. Elle a contemplé chaque ruban, chaque paillette ; impatiente de se parer, elle a jeté sur ses épaules ces lambeaux de satin, s’enivrant du frémissement de l’étoffe. Parfois elle se tournait, me remerciant d’un sourire. J’ai compris qu’elle ne m’avait jamais tant aimé, & j’ai failli lui arracher des mains ces chiffons qui me valaient l’estime que toute ma bonté n’avait pu m’attirer.

Enfin, je me faisais entendre. Je cessais d’être pour elle un être inconnu, effrayant d’austérité & d’ennui. J’allais au bal comme les autres amants ; comme eux, je louais des costumes, j’égayais mes maîtresses. J’étais un charmant garçon, aimant ainsi que tout le monde les épaules nues, les cris & les jurons. Ah ! quelle joie ! ma sagesse mentait.