Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/99

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cet oscillement, je croyais voir les murailles s’agiter, tourner avec la foule. Une clameur perçante, accompagnée d’une sorte de roulement continu, dominait l’orchestre.

Je ne saurais vous dire mon impression première en ce lieu, où chaque chose vivait pour moi d’une vie particulière & inconnue. Les bruits qui glapissaient, rires sonores éclatant en sanglots, les lumières aux lueurs rouges, les mouvements effrayants de folie, les senteurs âcres & étouffantes, tout m’arrivait en une sensation aiguë qui emplissait mon être d’un vague effroi, auquel se mêlait une volupté douloureuse. Je ne pouvais rire, car je sentais ma gorge se serrer, & cependant je ne pouvais détourner la tête, jouissant d’une joie cuisante dans ma souffrance. Je comprends aujourd’hui l’attrait de ces soirées brûlantes. Au premier jour, on frémit, on se refuse à la terrible gaieté ; puis l’ivresse vient, &, la tête perdue, on s’abandonne au gouffre. Les âmes communes sont vite acquises.